La soirée s’était révélée aussi morne et inintéressante qu’il ne l’avait imaginée. L’homme qui l’avait appelé pour lui proposer un contrat d’un soir avait été clair : musique d’ambiance à laquelle personne ne prêterait attention, mais sans laquelle le patron le tuerait. C’était pas très bien payé, mais c’était de l’argent facile à gagner, pour une soirée où Ismael n’avait rien de prévu. Il avait donc accepté sans plus y penser, résigné à jouer pour lui-même sans réellement se soucier des oreilles qui allaient l’écouter.

Une fois les quatre heures qu’on lui avait demandées complétées, il n’avait pas demandé sans reste. Ni une, ni deux — ses affaires ramassées, il était sorti et avait laissé l’air froid de Boston lui gonfler les poumons. Il était à peine onze heures passées. La soirée était encore jeune, et il se demanda l’espace d’un instant s’il n’allait pas s’arrêter dans un bar près de chez lui pour prendre un verre avant d’aller se coucher. L’idée mijotait toujours dans son esprit alors qu’il commençait à marcher. Il n’eut pourtant pas le temps de quitter la rue qu’un appel à l’aide se fit entendre, un peu plus loin, non loin du bar qu’il venait de quitter. L’espace d’un instant, il hésita à faire demi-tour et à s’approcher. Se mêler de situations du genre s’avérait souvent plus compliqué qu’il ne le paraissait au premier abord, et il détestait l’idée de devoir enfreindre la loi pour recourir à son don si les choses dégénéraient.

Pourtant, le choix fut vite fait. Il fit demi-tour et pressa le pas, franchissant les derniers mètres à la course, regardant à droite et à gauche pour tenter de voir d’où était provenu le cri. Et finalement, il les vit. L’homme et la gamine — deux clients du bar où il avait joué un peu plus tôt. Et le couteau, que le type tenait contre la gorge de la jeune femme. Il ne savait pas ce qui en retournait, ne savait pas ce qui avait conduit à cette scène. Mais une chose était certaine : au vu de l’air terrifié de la brunette, il ne s’agissait nullement d’une dispute qui avait mal tourné. Au vu de la peur qui suintait de son aura, l’homme l’avait tout simplement agressé.

« Hey. » Rien qu’une mot, pour attirer l’attention de l’assaillant. Pour lui signaler que quel que soit le méfait qu’il était en train de commettre, il ne pourrait le faire à l’abri des regards. « J’tombe mal, peut-être ? » Il essaie de ne pas faire le malin, mais les possibilités sont limitées. Le type tient toujours son couteau sous la gorge de la gamine, et le moindre mouvement brusque pourrait le pousser à attaquer avant qu’Ismael n’ait le temps de les atteindre. La situation était sur le fil du rasoir, et le mutant le sentait : à chaque seconde, tout pouvait dégénérer. Une issue qu’il désirait à tout prix éviter.