[001.] À première vue, Ismael, il ressemble à un gamin des rues. C'est d'ailleurs un peu ce qu'il est, à tout bien y penser. Un gamin dont la vie s'est effondrée alors qu'il n'était encore qu'en pleine puberté, et qui a bien eu du mal à se relever. Un gamin qui s'est pris d'une étrange affection pour tous ces vieux bars et ces ruelles sombres des mauvais quartiers de Boston. Pourtant, le gamin a grandi. Et s'il est resté proche des rues et adepte invétéré de tous ces vieux bars où il va aujourd'hui se produire, ça n'a pas vraiment de rapport avec ses apparences. Il empile les couches de vêtements, ne réfléchit pas vraiment à la manière dont il s'habille. Il porte très bien la chemise et le costard, tenue qu'il porte souvent pour jouer ; pourtant, il ne sera pas rare de le voir avec des jeans et des t-shirts troués — des vieilles Converses et des vestes rapiécées. Il se fond dans le décor, partout où il va. Et il n'y a que sur les scènes de tous ces petits bars que la lumière arrive à le faire ressortir des ombres, et à lui donner un autre visage. Un autre jour, que la misère ambiante dans laquelle il a fini de grandir et dans laquelle il a continué de vivre ne parvient pas à lui donner. Haut en couleur, mais parsemé de taches d'ombre impossibles à effacer. Des taches qui font partie de sa personnalité. [002.] Ismael, il voit le monde tout en nuances. Il a conscience du bien, il a conscience du mal — mais il a surtout conscience de la zone de gris logée juste entre les deux. Pour lui, l'humanité vit dans cet perpétuel état d'entre-deux, et inscrit chacune de ses actions dans la zone blanche ou la zone noire qui l'entoure. Pour lui, les gens ne sont ni bons ni mauvais ; ils sont, c'est tout. Cette mentalité, il l'a acquise avec les années — mais tout particulièrement lorsqu'il a commencé à apprivoiser son don. Un don qui empoisonne son quotidien, et qui est à première vue un véritable danger. Un don qui peut sauver, pourtant. Le sauver lui et, depuis qu'il l'a dompté, sauver les autres. Malgré cela, il n'apprécie pas particulièrement sa mutation. Pendant longtemps, le fait de savoir que les étourdissements qu'il provoquait n'étaient que temporaires, et que l'être humain retrouve bien généralement ses facultés après quelques cubes de sucre et un grand verre d'eau, ne le consolait pas. Ça n'arrivait pas à déloger la sensation qu'il vivait parce que d'autres s'affaiblissaient. Et puis, avec le temps, il a compris qu'il pouvait jouer avec ce qui lui avait été donné. Ça ne l'a pas fait apprécier davantage sa mutation, mais ça l'a aidé à l'accepter. Ça l'a aidé à comprendre pourquoi il refusait de se faire vacciner — pourquoi il refusait qu'on lui arrache cette partie de lui. Parce que sa mutation, c'est une des seules choses qui lui restent. Sa mutation, c'est l'incarnation de la zone grise dans laquelle l'humain évolue et grandit. Sa mutation, c'est une belle allégorie de la manière dont il voit la vie. [003.] Pourtant, ce truc complique bien son quotidien. Au début, il a cru que son pouvoir s'activerait et se désactiverait selon sa volonté, dès qu'il arriverait à le maîtriser. Mais il n'en a jamais rien été. Et lorsqu'il a compris qu'il allait être obligé de passer le reste de sa vie à faire attention à tous les contacts entre lui et les autres créatures vivantes, ç'a bien failli le miner. Il ne savait pas quoi faire, ne savait pas comment gérer le poids que cette pensée générait. À l'époque, le vaccin n'existait pas, et il a bien failli choisir la solution de sortie la plus radicale qu'il soit. Mais au lieu de ça, il est allé voir sa mère. Au lieu de ça, il s'est confié à elle comme il ne l'avait jamais fait. Et sa mère lui a dit que tout s'apprenait. Que rien n'était mauvais, et que s'il drainait de l'énergie, il devait pouvoir en redonner. Elle lui a tendu sa main, lui a dit d'essayer. Lui a dit qu'il était capable d'y arriver — elle le savait. Ça n'a pas été instantané, mais il a finalement réussi. Et il a compris que son fardeau serait diminué par un contrôle exemplaire de cet aspect de sa mutation. Prendre et donner — établir un équilibre presque parfait et quasi instantané. Et aujourd'hui, sa maîtrise est telle que c'en est presque devenu un réflexe. Il s'est habitué à la sensation d'une peau contre la sienne, et a conditionné son don à instaurer cet équilibre dès que le contact se crée. Attention, cependant, à ne pas le brusquer ; attention à ne pas le violenter. Car s'il a appris ce tour à son pouvoir, celui-ci n'en revient pas moins aux sources dès que son hôte se sent menacé. Ça suit ses humeurs, ça suit son instinct de survie. Mais tant que tout va bien, l'équilibre restera fermement en place. [005.] Si le contact se fait du bout des doigts, ou s'il s'agit d'une poignée de main rapide, la manifestation de son don sera souvent trop furtive pour que la plupart des gens ne se rendent compte de quoi que ce soit. Mais s'il applique un contact prolongé, ou que les surfaces de sa peau qui touchent celles de l'autre personne sont plus grandes, il devient plus clair que quelque chose se produit. S'il est en contrôle et que l'équilibre des énergies est maintenu, la personne se sentira vivante, tout au plus — et c'est le seul mot que les autres ont trouvé pour lui expliquer la sensation. Si les choses sont moins posées, et qu'il se sert de son pouvoir pour drainer de l'énergie, le débit de prélèvement sera généralement proportionnel à la surface de peau contre laquelle le contact se fait. Ça a d'ailleurs rendu ses relations amoureuses extrêmement compliquées, dans les débuts. Lorsqu'il ne contrôlait pas cet aspect permanent de son don, il lui était impossible de fréquenter qui que ce soit. Le moindre baiser était compliqué, et passer à l'étape supérieure était impossible. Aujourd'hui, pourtant, la donne a changé. Aujourd'hui, on lui dit qu'on se sent vivant, lorsqu'on est avec lui. On ignore que chaque caresse est un flirt avec le danger, et on savoure ce bien-être presque addictif qu'il est capable de procurer. Ça lui vaut de rester aussi méfiant en amour qu'il l'a toujours été. Les relations d'un soir ne lui déplaisent pas, et il en profite. Mais la plupart du temps, elles ne durent pas. Il ne peut pas se le permettre. Il préfère limiter les risques de découvrir la vérité — car rien ne vaut un secret bien caché. [006.] Il n'y a qu'une seule personne au monde qu'il n'a pas peur de toucher : sa fille. Sa princesse, qu'il n'osait qu'à peine tenir durant les premières années de sa vie. Il s'est caché derrière son travail, s'est caché derrière la réticence qu'éprouvait le nouveau copain de son ex à le voir s'approcher. Mais la vérité, c'était qu'il avait tout simplement peur d'établir le contact avec Rose, et de la blesser. Et puis, un jour, alors qu'elle était à ses côtés, elle a failli tomber. Il n'a pas réfléchi, et il l'a rattrapée. Sa peau a touché plus que franchement la sienne, et il a bien cru que son pouvoir allait dérailler, sous le stress que la dangerosité de la chute avait provoqué. Mais il n'en fut rien. À vrai dire, rien ne se passa. Pas la moindre énergie ne circula entre eux — et, alors, la réalité le frappa. Son don ne fonctionnait pas sur Rose. Pourquoi ? Il y a pensé, et ça n'a pas mis longtemps à s'imposer dans son esprit : elle pouvait annuler les dons d'autrui. Sans s'en rendre compte, sans même y penser. D'un contact, elle pouvait supprimer les souffrances et les craintes de ce père qui n'avait jamais osé la toucher, de peur de la blesser. Bien vite, il se rendit compte que cela valait même lorsqu'elle dormait. Et il se mit à profiter de ce cadeau du ciel pour rattraper tout le temps qu'il n'avait pas pu avoir avec elle. Acceptant de la garder aussi souvent que son ex en avait besoin — bousculant parfois sa vie pour ça. Parce que sa fille, c'est peut-être la seule chose entièrement positive qu'il lui reste en ce bas-monde. Ça, et la musique. Mais la musique l'attendra. Rose, elle, n'a que la vie devant elle. Et Ismael, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas la gâcher. Pour que cette vie soit meilleure que celle de sa mère ou la sienne. [007.] Avec les années et la pratique de son don, il n'a pas eu d'autre choix que de calmer sa personnalité. Le gamin parfois nerveux et potentiellement violent a cédé la place à un homme responsable et en contrôle. Y en a qui disent que c'est à cause de la quantité de livres qu'il a lus étant gamin — d'autres disent que la vie et l'âge se sont chargés de le faire rentrer dans les clous. Mais lui, il le sait : sans son don, il ne serait pas là où il est aujourd'hui. Sans la maturité qu'un tel pouvoir a nécessité pour lui permettre de survivre, peut-être n'aurait-il jamais été capable d'être là pour sa fille. Peut-être ne la verrait-il qu'une fois par semaine, ou une fois par mois. Peut-être ne serait-il tout simplement pas là. Ou peut-être serait-il en prison, rattrapé par cette violence qui s'était développée en lui à l'adolescence. Cette colère à l'égard de ce monde qui lui avait pris son père et arraché sa mère aurait pu le conduire à bien mal tourner — et ça, il le sait. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme la plupart de ses proches de l'époque le prédisaient. Le gamin qui en voulait à la terre entière a retourné cette haine contre lui-même, avant d'apprendre à la contrôler. Et s'il est aujourd'hui quelqu'un de calme et posé, parfaitement en contrôle de ses mots comme de ses gestes, il ne faut pourtant pas gratter avec trop d'insistance la carapace que les années ont créée. La violence n'est pas très loin, et il n'a jamais vraiment eu de problème à se servir de ses poings sans avoir à recourir à sa mutation. [008.] La musique l'a toujours aidé. Il a commencé la trompette et le piano quand il était encore trop petit pour pouvoir vraiment jouer — la faute à son père, qui les enseignait et les jouait sur des petites scènes de Boston comme Ismael le fait aujourd'hui. Le gamin a toujours eu une oreille musicale presque absolue, à la grande fierté de son paternel. Et s'il ne s'en préoccupait pas nécessairement lorsqu'il était petit, ça a changé en grandissant. Il sait que c'est ce qui lui a permis de réussir — sait que sa virtuosité, son père ne l'avait pas inventée pour lui faire plaisir. Il ne s'en vante pas spécialement, mais il n'a pas eu de problème à la prouver et à la mettre de l'avant pour se décrocher du boulot. Aujourd'hui, son nom circule suffisamment dans les oreilles des connaisseurs pour qu'il n'ait plus besoin d'en jouer, et cet atout s'est retrouvé rangé avec tous les autres. Sa maîtrise de plusieurs instruments et sa voix juste parlent pour elles-mêmes, et son humilité précède désormais largement sa virtuosité. [009.] Il possède un chat, prénommé Mosiah et âgé d'une dizaine d'années, ainsi qu'un chiot adopté il y a quelques mois, qu'il a baptisé Chet — en l'honneur de Chet Baker. S'il a toujours apprécié les animaux, il avait pourtant éliminé l'idée d'en avoir après avoir découvert son pouvoir. Il s'est retrouvé à s'occuper de Mosiah pour sa voisine du dessous, qui ne pouvait plus le garder ; à l'époque, sa maîtrise de son don était encore précaire, et il a dû faire particulièrement attention à ses contacts avec l'animal. Ça explique son caractère farouche et distant — le genre de matou qui reste assis sur le bord de la fenêtre à regarder les passants, et qui s'éloignera de la moindre main que l'on peut approcher de lui. Pour Ismael, les choses se sont améliorées avec les années, jusqu'à ce qu'il se sente capable d'adopter Chet. Bien qu'il ne s'agisse, aux yeux de la plupart, qu'un simple désir de sa fille qu'il a voulu exaucer, pour lui, l'implication est néanmoins toute autre. Ce geste est la preuve de la maîtrise qu'il a de son don. La preuve que sa vie est en contrôle, et qu'il est capable de s'occuper d'êtres vivants sans les drainer — sans les affaiblir, ni les tuer. [010.] Depuis la mort de son père, sa famille s'est complètement désintégrée. Sa mère vit dans une institution psychiatrique depuis quinze ans maintenant. S'il a mal vécu l'abandon qu'il a ressenti lorsque son internement l'a forcé, lui, à aller vivre dans une famille d'accueil, sa rancoeur s'est calmée avec les années. Et lorsqu'il a découvert son don, il a rangé son dédain pour se réfugier auprès d'elle, comme le gamin paumé qu'il était. Elle a été là — et depuis, elle n'a pas arrêté de l'être. Il lui rend visite de temps à autre ; une fois par mois, au minimum. Ils jouent aux échecs, ou s'assoient et regardent le monde filer sous leur nez. Il lui a finalement pardonné — mais il n'a pas oublié. Pas plus qu'il n'a oublié la manière dont son frère aîné s'est enfui sans donner de nouvelles, et est parti en Europe pour refaire sa vie. Sa soeur aussi, l'a laissé. Mais elle a fini par revenir, avec les années. Et aujourd'hui, les liens qui s'étaient brisés se sont quelque peu restaurés. Elle ne vit pas très loin de lui, et travaille au même club que la mère de Rose. Ils se voient — et elle n'hésite pas à passer quand elle a besoin. Pourtant, malgré les liens positifs qu'il entretient toujours avec sa mère et sa soeur, il le sait : malgré les efforts pour renouer, rien ne fonctionnera vraiment jamais. Quand papa est mort, il a emporté avec lui le noyau qui unissait ces quatre âmes égarées dont il s'était entouré. Et aujourd'hui, malgré les collisions entre ces électrons, ceux-ci se sont rendus à l'évidence : leur véritable lien n'existe plus. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est essayer de le recréer. Essayer de faire semblant que cette famille existe, et qu'elle a encore quelque chose à vivre.

[EN VRAC] Malgré ses noms et malgré le chapelet qui traîne chez lui, il n'est pas croyant. • Il lit beaucoup, et a une préférence marquée pour les livres d'histoire et de philosophie. La fiction ne l'intéresse que dans une moyenne mesure. • Il a d'ailleurs fait un an d'études de philosophie avant d'abandonner. Ça coûtait trop cher, et sa vie était à l'époque bien trop compliquée. • S'il joue beaucoup de musique, il n'en écoute pourtant pas nécessairement. Ainsi, il ne porte d'écouteurs que lorsqu'il est chez lui, et ne ressent pas le besoin d'avoir de la musique dans les oreilles lorsqu'il se promène dans la rue. • La trompette qu'il possède est celle de son père, qu'il a héritée à sa mort et qu'il n'a jamais abandonnée depuis. Le seul véritable legs qu'il ait de lui. • Il cuisine un peu. Suffisamment pour être un père responsable lorsque sa fille est dans les parages — pas assez pour avoir l'énergie de se faire trois repas par jour lorsqu'il est seul. • Il a le sommeil plutôt léger. Pourtant, lorsque celui-ci est tranquille, il arrive que sa mutation cesse de se manifester ; s'il est agité, cependant, elle se re-déclenchera. Il l'a constaté, mais n'a jamais réussi à se l'expliquer. • Il n'est pas très branché sur les réseaux sociaux, et ne possède un téléphone que pour téléphoner — et envoyer des textos, tout au plus. • Il est très old school sur sa manière d'écouter de la musique. Bien qu'il possède un ordinateur et une bibliothèque iTunes, il a donc une collection de disques et de vinyles assez impressionnante.

DÉCRIVEZ L'APPARITION DE VOTRE DON ET LA FAÇON DONT VOUS LE MAÎTRISEZ.

PENSEZ-VOUS QUE LE GOUVERNEMENT PROTÉGE SUFFISAMMENT LES TRANSMUTANTS ?

[ÂGE] vingt-trois ans. (dire qu'en arrivant sur TH j'avais marqué genre vingt ans    ) [PAYS OU FUSEAU HORAIRE] québec, canada. (-6h par rapport à la france) [OU AS TU CONNU LE FORUM] par anaïs la plus belle et en continuant de stalker TH jusqu'à sa fin (rip bb).    [PERSONNAGE] inventé, gros tas de n'importe quoi témoin de mon cerveau brûlé d'en ce moment. [AVIS SUR LE FORUM] il est si beau, super travail.    (avec la bannière de ma peanut d'amour, en plus, que demander de plus ) (    ) [UN DERNIER MOT] je m'excuse d'avance si j'ai une activité de merde, la vie IRL c'est de la schnoute en ce moment, mais j'ai genre vraiment besoin de rper pour me changer les idées, alors voilà. j'ai craqué.       je vous aime.    

[beautiful trauma]
22 mars 1989 • Naissance d'Ismael Asaf Drake à Boston, Massachussets. Quelques années après son frère, quelques années après sa soeur. Le petit dernier d'une fratrie pas vraiment soudée ni désunie. Une fratrie qui se contente de vivre au rythme des dépressions régulières de maman, et du boulot de musicien de papa. Boulot que, bientôt, papa abandonnera. Donner des cours de musique rapportera davantage, et entretenir sa famille importera bientôt plus que sa véritable passion. 1994 • Le gamin n'a que cinq ans, mais son père l'autorise déjà à souffler ses premières notes dans une trompette. Il révèlera très vite une oreille exceptionnelle — un trait qui énervera particulièrement son frère aîné, qui abandonnera, lui, tout instrument. Sa soeur n'en sera nullement touchée. Elle continuera de vivre dans son coin, comme elle l'avait toujours fait. jusqu'en 2002 • Les trois gamins s'éloignent avec les années et, malgré le lien du sang qui les unira toujours, leur relation s'étiolera petit à petit. Devoir s'occuper de maman pendant que papa essaie désespérément de les faire vivre, tous, leur pèsera. Maman essaiera bien de prendre des petits boulots par-ci par-là, mais rien n'y fera ; son état psychologique est trop faible, et elle ne restera jamais plus d'un an au même endroit. Bien vite, les aînés se mettront eux aussi à travailler pour être capables de se payer ce que leurs parents ne peuvent leur offrir. mai 2002 • Alors qu'il rentre du boulot, un soir, papa assiste à une agression. Sans hésiter, il intervient. Un coup de couteau perdu lui perfore la poitrine, et malgré la réactivité d'arrivée de l'ambulance, il décèdera. On dira à la famille qu'une artère avait été touchée, et qu'il n'y avait de toute manière rien que personne aurait pu faire. L'agresseur ne sera jamais attrapé. On vendra tous les instruments de papa pour essayer de rattraper le trou financier engendré — tous, sauf la trompette, qu'on donnera à Ismael. Trompette dont il ne se séparera jamais. août 2002 • Maman ne se remettra pas de la mort de papa. C'est clair, c'est net — et ses gamins ne peuvent plus vivre là. Lorsqu'elle sera placé en institution, le plus grand aura l'âge de foutre le camp, et ne se privera pas pour le faire, partant même pour l'Europe au bout de quelques années. Ismael et sa soeur seront placés dans une famille d'accueil. Dès qu'elle aura la majorité, elle s'en ira. Et elle le laissera là, entouré de ces gamins qui arrivent et qui repartent. Encadré par ces deux adultes qui l'apprécient sans pour autant l'aimer.

[kids aren't alright]
décembre 2006 • Elle est belle, et il l'aime bien. Alors il est allé lui parler — et elle aussi, elle l'a bien aimé. Ils ont passé la soirée ensemble, et ils se sont bien amusés. Jusqu'à ce que son copain à elle n'arrive, et ne les trouve collés dans un petit coin de l'école. Ils rient, ils s'amusent. Ils sont peut-être un peu proches. Peut-être trop proches. Et le copain, ça lui déplaît. Ses potes de l'équipe de football sont venus lui prêter main forte, et ils ont traîné le petit brun à l'extérieur du bâtiment. La fille s'est enfuie sans demander son reste, et n'a rien pu faire. Il a senti les coups briser sa volonté, briser ce qui lui restait d'innocence. Il a senti ses forces l'abandonner — avant de revenir, sans qu'il ne puisse l'expliquer. Quand l'un de ses agresseurs l'a plaqué contre le mur pour le frapper, il l'a vu faiblir. Et très vite, le vent a tourné. Il s'est débarrassé des types sans avoir à vraiment forcer. Le contrecoup de l'incident n'est survenu que plus tard, alors qu'il était rentré chez sa famille d'accueil. Il s'était rendu compte de la force qu'il avait, sans la comprendre. Et ce n'est que lorsque cette force s'est finalement dissipée qu'il s'est effondré sous la douleur. Il a mis quelque temps à récupérer, après ça. Quelque temps à s'en relever. Temps durant lequel d'autres phénomènes étranges ont continué à l'entourer. Temps pendant lequel il est resté loin de cette fille à cause de qui tout avait commencé. Et puis, un beau jour, elle est venue le voir. Elle lui a dit qu'elle avait laissé son copain. Elle lui a répété ce qu'elle lui avait déjà dit ce soir-là — que lui, elle l'aimait bien. Ils se sont laissés aller et, en quelques jours, se sont rapprochés plus qu'il ne l'aurait pensé. Et le soir où ses parents d'accueil sont sortis chez des amis, il l'a invitée. Il l'a invitée et, au moment de passer à l'acte, elle s'est évanouie — et il a alors compris que quelque chose n'allait pas chez lui. Il a appelé les urgences, a fait attention à ne plus la toucher. Suffisamment intelligent pour comprendre, après quelques semaines, que le contact peau à peau était devenu un problème. Suffisamment pour comprendre qu'il n'oserait plus l'approcher après ça — suffisamment pour piger que tout allait devenir compliqué. mai 2008 • Il n'en peut plus. Il comprend tout ça, mais il n'en veut pas. Il voudrait trouver une solution, voudrait arrêter d'être obligé de réfléchir à chacun de ses mouvements. Il voudrait pouvoir enlever sa veste l'été, et découvrir ses mains sans avoir peur de blesser ceux qui l'entourent. Il s'est tiré de chez sa famille d'accueil dès qu'il a été majeur, et il s'en est allé à l'université. C'était cher, et on le lui avait déconseillé — mais il n'a pas écouté. Il a fait un an, et il a décidé d'arrêter. C'est pas que ça ne lui a pas plu. Bien au contraire même — il aurait continué s'il avait pu. C'est juste que tout est devenu trop compliqué. Se faire des amis est compliqué, fréquenter quelqu'un lui est impossible. Il y a bien quelques têtes qui se sont accrochées à lui, quelques têtes qui lui ont fait comprendre qu'il n'était pas le seul à avoir la vie pourrie par ce genre d'anomalie. Mais les faits restent les mêmes. Il a terminé son année, et il ne sait pas s'il reviendra l'an prochain. Il a terminé son année, et il est passé proche de faire une connerie que les autres auraient dû regretter pour lui. Au lieu de ça, il est allé voir maman. C'était les six ans de la mort de papa, et il a cru que ce serait un bon prétexte. Mais au lieu du silence habituel, il s'est mis à lui parler. Écoute-moi, et laisse-moi parler. S'il te plaît. Il lui a tout déballé. Et elle lui a dit que fuir n'était pas la solution. Ça ne l'avait jamais été. Elle lui a dit que le seul moyen pour lui de reprendre le contrôle de sa vie, c'était de prendre contrôle de ce don. Elle lui a dit que s'il pouvait voler de l'énergie, il pouvait sans doute en donner. Et elle l'a forcé à essayer. Elle lui a tendu la main, et il l'a prise. Désespéré, mais bien déterminé à tenter. octobre 2008 • Il a laissé tombé l'université. C'était trop cher, et il se retrouve déjà endetté sans d'être capable de se figurer comment il fera pour rembourser cette seule année qu'il a passée au milieu des érudits. Il a erré, quelques mois, commençant à apprivoiser cette mutation qu'il ne connaissait que trop peu. Et puis, un soir qu'il était échoué dans un bar de jazz du centre-ville où son père aimait aller, on l'a reconnu. On lui a demandé, t'es pas le p'tit Drake ? On connaissait son père, on connaissait même son frère. On se souvenait de lui, quand il n'avait qu'une dizaine d'années et qu'il venait voir à l'occasion son paternel se produire sur cette toute petite scène dans un coin de la salle. On lui a demandé s'il avait continué à jouer. Il a répondu qu'il n'avait jamais arrêté. J'me cherche un trompettiste, qu'on lui a dit. C'est bien ça que tu fais ? De la trompette ? Il a dit oui. Et pour la deuxième fois en l'espace de quelques mois, il a pris la main qu'on lui tendait. Il a pris l'argent qu'on lui proposait. Et très vite, il s'est rendu compte qu'avec un peu de passion et beaucoup de détermination, il serait capable de s'en tirer. Il a commencé à se produire de plus en plus souvent sur des petites scènes dans les bars — prenant les remplacements, et tout ce qu'on avait à lui offrir.

[till we get it right]
janvier 2009 • En plus des petits contrats musicaux qu'il commence à accumuler, il se fait engager comme barman. Il travaillera alors sans compter, économisant comme il peut, et se prenant un appartement à loyer très bas dans le Chinatown de Boston à la fin de l'année. Appartement dans lequel il vit toujours aujourd'hui. Grâce à ses économies progressives, il parviendra également à investir dans un petit piano. Un musicien avec lequel il joue beaucoup lui donnera également des cours de contrebasse, en échange de petits services. Il commence également à maîtriser de mieux en mieux son don, et réussit désormais à redonner l'énergie qu'il prend aux autres lorsqu'il les touche. Il lui faut encore se concentrer et faire attention au moindre des contacts, mais sa vie devient de moins en moins un enfer à mesure qu'avancent les mois. novembre 2009 • Un mois après son emménagement dans Chinatown, sa voisine du dessous vient le trouver pour lui demander s'il peut garder son chat, Mosiah, pour quelque temps ; sa petite-fille vient vivre avec elle, et elle y est allergique. Il acceptera. La petite-fille s'éternisera chez sa grand-mère, qui mourra quelques années plus tard. Mosiah restera chez Ismael, qui se rendra très vite compte que la présence du chat l'oblige à maîtriser son don mieux que jamais. Les débuts seront compliqués, mais il persévèrera. De toute façon, y a pas le choix. février 2010 • Sa soeur, qu'il n'avait pas vue depuis quelques années, le retrouve pour lui donner un faire-part daté d'un mois déjà. Elle lui dit que leur frère est revenu d'Europe, et s'est installé aux USA avec sa femme et son fils. Elle lui dit qu'il n'avait pas d'adresse pour Ismael, et qu'il l'a chargée de transmettre le message. Elle dit qu'il a fallu passer par maman pour savoir où il vivait. Elle lui dit qu'il a l'air en forme, et qu'elle pensait justement emménager dans le quartier. Pourquoi pas. Ils se reverront quelques fois, et il apprendra qu'elle est en couple depuis plusieurs années. Ça ne se passe pas très bien, et elle pense qu'elle y mettra bientôt fin. Comme tu le sens. avril 2010 • Pistonné par un ami, il décrochera un petit contrat avec un groupe de jazz. Il ira jouer avec eux à la Nouvelle-Orléans pendant les deux mois que dureront leur tournée, et restera quelque temps en Louisiane après cela. Lorsqu'il rentrera à Boston, ce sera pour découvrir sa soeur installée dans ses affaires. Les proprios m'ont laissée faire. Tes voisins m'ont passé les clés. Mon copain m'a laissée. J'avais nulle part où aller, et je savais pas où te contacter. J'me suis permise de nourrir Mosiah. Il m'aime bien, je crois. Il ne dira rien. Il s'en fiche. septembre 2010 • Deux mois après que sa soeur a finalement pris un appartement seule, une voisine d'Ismael viendra lui rendre visite pour lui demander humblement de l'aider. Y a des petits cons, dans le quartier. Des p'tits blancs qui pensent qu'ils peuvent s'amuser à faire peur à tout le monde. Et ça marche. Ils l'ont déjà emmerdée et elle a trop peur de rentrer du boulot seule. Elle prend le taxi pour quelques blocs d'appartement à peine, et ça lui coûte des sommes qu'elle ne peut pas se permettre. Est-ce que tu penses que tu pourrais me raccompagner ? Je sais que tu travailles pas loin. J'te paierai un verre pour te remercier. Ou de la bouffe pour ton chat. C'que tu veux. Un verre, ça a fait l'affaire. Il l'a aidée, et ils se sont arrangés pour toujours rentrer ensemble. C'est pas passé inaperçu, et les petits cons lui ont mis la main dessus un jour où il était seul. Il a voulu essayé d'éviter que les choses ne dégénèrent, mais rien n'y a fait. Les coups ont commencé à pleuvoir, et il ne s'est pas gêné pour répliquer. Buvant l'énergie que chaque poing lui donnait. Affaiblissant ses adversaires et gagnant en force, pour finalement leur donner une bonne raclée. Quelqu'un a appelé la police en voyant les gamins lui tomber dessus — et c'est lui qu'on a arrêté, au final. Il a passé la nuit en prison, et c'est sa voisine qui l'en a sorti. Les gamins ne se sont jamais repointés dans le quartier. Mais à partir de ce jour-là, les voisins ont su vers qui se tourner en cas de besoin.

[wild hearts can't be broken]
mars 2011 • Alors qu'il va voir sa soeur dans le club où elle travaille, Ismael rencontre Baby. Il ignore si c'est son vrai nom, et il ne lui demandera jamais. Ils se commenceront à se fréquenter, mais les choses s'arrêteront cependant bien vite, et Baby retournera avec son ex pendant quelques mois. Celui-ci la laissera néanmoins de manière assez brutale, et Baby se réfugiera auprès d'Ismael. Leur aventure reprendra alors, mais jamais leur relation ne sera officielle. Il ne veut pas s'engager — elle non plus. Lorsqu'elle apprendra qu'il possède une mutation, elle s'éloignera quelque temps, avant de revenir. Relation en dents de scie. novembre 2013 • Baby apprend à Ismael qu'elle est enceinte. Elle décidera de garder l'enfant, et il sera là pour elle durant sa grossesse, l'aidant à boucler ses fins de mois. Trois mois avant la date prévue d'accouchement, Baby lui annoncera cependant qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre. C'est un type bien, cette fois. Ismael la laissera partir, et respectera son choix. Un bébé n'allait de toute manière pas les emmener à s'engager ou les forcer à se marier — ils le savaient. février 2014 • Naissance de Rosemary Lily Drake, dite Rose. Malgré les réticences de son nouveau petit ami, Baby n'empêchera jamais Ismael de voir sa fille. Les rythmes de vie erratiques de l'un et de l'autre, jumelés à la peur de toucher sa fille et de la blesser, feront cependant en sorte que les visites seront rares les premiers temps. Ismael décrochera de plus quelques petits contrats à l'extérieur de la ville, ce qui compliquera encore les choses. juin 2015 • Incapable de supporter plus longtemps le poids d'une famille, le petit ami de Baby la laisse. Celle-ci appellera alors Ismael à l'aide ; il s'exécutera sans rechigner. Elle recommencera à travailler, et les visites qu'il leur rendra se régulariseront. Elle commencera également à lui laisser Rose, de temps à autre, lorsqu'elle ne peut s'en occuper et n'a personne pour la garder. Au printemps 2015, ils commenceront à se fréquenter à nouveau. Cela ne durera néanmoins pas ; dans le courant de l'année suivante, ils retourneront également l'un vers l'autre à plusieurs reprises, sans pour autant que cela ne signifie quoi que ce soit. Ils se feront pourtant plus discrets, après qu'Ismael ait manifesté le désir de laisser Rose à l'écart de tout cela. C'est dans ce même objectif qu'ils finiront au bout du compte par totalement arrêter de se fréquenter. novembre 2016 • Le dépistage confirme à Ismael ce qu'il soupçonnait depuis quelque temps déjà : Rose a hérité de son gène X, et une pastille bleue est d'ores et déjà apposée à ses papiers d'identité. Après une discussion musclée avec Baby, ils décident néanmoins de ne pas la faire vacciner, ne serait-ce que pour la sécurité que cela lui offre au contact de son père. juillet 2017 • Le bar dans lequel Ismael travaillait encore ferme après une altercation durant laquelle le gérant, un transmutant, utilisa son pouvoir en public. De son arrestation résulta la fermeture du bar. Ismael se retrouvera alors à vivre uniquement de ses contrats de musicien, et ne cherchera pour le moment pas à retrouver un emploi. Sa petite notoriété s'est suffisamment faite pour qu'il se permette de consacrer du temps à la musique et à Rose, que Baby lui laisse de plus en plus souvent. novembre 2017 • Temps présent. Il y a deux mois maintenant, suite à la demande insistante de Rose, il a adopté un petit chien, qu'il a prénommé Chet. Il continue jouer, ne pensant pas encore reprendre un autre emploi, mais n'en écartant pas la possibilité, si jamais un jour besoin est.