Le vendredi après-midi, elle ne travaillait pas. Son contrat, elle l'avait négocié en usant de son don avant d'obliger la responsable l'ayant embauchée à démissionner non sans ternir sa propre réputation afin d'assurer ses arrières si la femme venait à vouloir ternir la sienne. Un genre d'avertissement : Evi pouvait lui faire faire n'importe quoi et le pire était toujours envisageable. Alors quelques jours après avoir signé son contrat, elle avait obligé la responsable à agir comme une folle. Elle l'avait rendu irritable, lui avait fait faire les pires des crasses à ses supérieurs, l'avait obligée à se comporter de façon totalement extrême jusqu'à ce qu'on la prenne pour folle : un burn out, quelque chose comme ça. Un mental breakdown comme on en faisait plus qui avait poussé leurs supérieurs à demander à la femme de démissionner : Evi l'avait obligé à accepter. Le retour en arrière était impossible. La responsable rh était considérée comme bipolaire par ses collègues, soudainement aliénée et imprévisible alors si elle venait à dire qu'Evi l'avait obligé à agir ainsi sans aucun doute qu'on mettrait ses paroles sur le dos de sa "folie" et qu'on prendrait la défense de la brune. Un jeu malhonnête auquel Evi avait joué quelques années plus tôt sans problème, sans remords. Et encore aujourd'hui, elle ne se sentait pas coupable de la démission de la blonde. Elle se savait protégée, intouchable par cette humaine à présent étiquetée comme la "
collègue que le travail avait rendu folle". Ainsi, Evi s'était monté un contrat de travail qui valait de l'or : salaire élevé, jours de repos à foison, après-midi libres, totale liberté quant à l'agencement de son emploi du temps.
Alors le vendredi après-midi, elle venait souvent voir Claire.
Le green t coffee, c'est depuis longtemps son qg. Peut-être même depuis le début de ses études, dès qu'elle a commencé à vivre seule. Elle venait souvent s'y fourrer pour profiter de leur connexion internet et de leurs gâteaux maison. Et c'est bien le seul endroit où elle n'escroque pas les serveurs : elle a toujours payé ses achats. De fil en aiguille, elle s'est liée d'amitié avec les gérants qui l'appellent par son prénom, connaissent ses habitudes et glissent parfois de petits muffins dans son sac lorsqu'elle a le dos tourné. En même temps, Evi y passe chaque matin ou presque depuis presque dix ans alors ce café c'est un peu comme un second salon. Les serveurs aussi elle les connait. Moins que les patrons, parce qu'ils tournent souvent : généralement, ils embauchent des étudiants qui vont et viennent alors quand Claire a commencé à y travailler il y a quelques mois elle et Evi ne pouvaient que tisser une amitié à se voir si souvent. Ça plus les secrets communs qu'elles partagent -mutantes qui se veulent discrètes, faux papiers et refuge- finirent par les faire devenir proches : leurs caractères en partie similaires ont fini le travail.
Evi était dans sa voiture, direction le café. Elle mis un temps fou à trouver une place et s'y engouffra avec hâte dès qu'elle tomba sur un endroit libre sans faire attention aux alentours. Alors lorsqu'une silhouette s'approcha de sa voiture elle se crispa de surprise, toujours angoissée à l'idée de tomber sur des hunters à force d'être témoin des drames qu'ils engendraient en écoutant les histoires des mutants qu'elle protégeait. Elle soupira, soulagée de reconnaître l'homme qui se tenait à l'extérieur : ça n'était que Roy. Lui aussi, elle le connaissait depuis plusieurs mois. Il avait fait son apparition en même temps que Claire et partageait autant de secrets qu'Evi et cette dernière, de quoi là aussi les rapprocher. Le temps avait fait son travail, Evi l'avait aidé à trouver une maison modeste loin de la ville pour presque rien, avait gardé ses secrets et s'était même habituée à le croiser dans ce même café lorsque les deux mutants s'y retrouvaient par hasard. Comme aujourd'hui, encore. Elle lui lança un sourire derrière la vitre et attrapa ses affaires : son parapluie était plus que bienvenue avec la pluie qui tombait dehors. À peine fut-elle dehors qu'il lui lança un
"Alors comme ça on a eu la même idée?" lui arrachant un petit rire.
"Avec un temps pareil il me faut ma dose de café." plaisanta-t-elle avant d'attraper son bras pour se réfugier sous son parapluie.
"Merci." lui glissa-t-elle avant de lui emboiter le pas en direction du café. Il n'y avait pas à dire, malgré ses allures un peu rustres, Roy était toujours de bonne intention et là encore il prouvait sa bienveillance. Une attention particulière qu'appréciait Evi, sentant qu'avec lui elle pouvait baisser sa garde. Chose rare.
Une fois la porte d'entrée passée, elle laissa à Roy la liberté de ranger son parapluie et chercha du regard Claire : le café était presque vide, pas étonnant avec la météo. Les gens préféraient rester chez eux. Seul un couple était assis en vitrine, tandis qu'un homme lisait le journal dans un coin. Et une petite brune s'affairait derrière le comptoir.
"Salut !" lança-t-elle pour qu'elle se retourne, tout sourire. Evi s'approcha immédiatement de Claire, bien heureuse de retrouver son amie, l'odeur de café venait déjà lui chatouiller les narines.
"On vient braquer la caisse." dit-elle sur le ton de la blague, en se retournant vers Roy pour signifier sa présence à Claire. Cette après-midi elle n'était pas seule, mais accompagnée d'une connaissance commune.