Concernant l'histoire de votre personnage, deux choix s'offrent à vous :
Le "bip bip" des articles passant à la caisse rythmait les nuits de Wesley. Le regard perdu dans le vague, son corps fonctionnait en mode auto-pilote, accomplissant des gestes qu'il avait effectué des années durant.
Il lui était difficile d'évaluer le temps écoulé. A ses yeux, une minute pouvait être une heure, tout comme une heure pouvait être une seule minute. Il n'y avait pas de pause, pas d'arrêt, pas de repos : juste cet incessant écoulement du temps, long, une agonie qui ne semblait jamais en finir.
Fut un temps où Wesley pouvait dormir. Où il était un garçon à peu près normal. Oh, il avait toujours été un peu bizarre, avec sa tendance à rester dans son coin, son sérieux, ses réflexions intenses, bien trop intenses... Mais, aux yeux du reste du monde, il était un être humain. Jusqu'à cette fameuse nuit où il n'avait pas pu fermer l'oeil...
Wesley n'avait plus ressenti la moindre fatigue. Il pouvait courir des heures, jusqu'à ce que son corps le lâche, jusqu'à ce que la douleur se fasse trop présente, sans avoir conscience d'atteindre ses limites avant qu'il ne soit trop tard.
Sa famille le croyait malade. Durant son adolescence, Wesley passa une batterie de tests, sans que qui que ce soit ne puisse expliquer cette absence totale de fatigue. Somnifères, régimes spéciaux, rien n'y faisait. Wesley ne pouvait tout simplement pas dormir.
Ce qui était d'abord un secret fut malencontreusement révélé au grand jour. Dans la petite ville où Wesley et ses parents habitaient, tous étaient curieux de connaître l'histoire du "Beau au bois insomniaque", comme l'avait renommé un journaliste peu imaginatif.
Cet intérêt accru pour l'adolescent avait mené à des comportements inappropriés, qui firent de la vie de Wesley et de ses parents un enfer. Ils étaient suivis, photographiés, interpellés à tout bout de champ. Wesley était la bête curieuse de son établissement scolaire, observé, craint, abordé par pur désir d'approcher le "bizarro" du coin ou d'être pris en photo avec lui.
Mr et Mrs Knox ne pouvaient plus supporter cette pression et ils le firent savoir très clairement à leur fils. Hors de question de subir cette enfer plus longtemps. Wesley allait tout "révéler", dévoiler son "mensonge". Wesley n'eut d'autre choix que de prétendre qu'il voulait simplement un peu d'attention, être populaire, et que cette histoire était allée trop loin.
De phénomène de foire, il était devenu le souffre-douleur favori de la petite ville. On le traitait de mythomane et de bien d'autres noms d'oiseaux. On l'humiliait. On le frappait. Et Wesley continuait à lutter, seul, dans la longue agonie de ses nuits.
Il était enfermé dans sa chambre, pour éviter de sortir et de laisser les gens comprendre que son histoire était vraie. Qu'il était incapable de trouver le repos. Ses rapports avec ses parents étaient plus tendus que jamais, eux qui n'étaient pas prêts à assumer les troubles de leur fils. La situation n'avait fait qu'empirer ce qui était déjà problématique. L'ennui de ses nuits avait joué des tours à l'esprit de Wes et les hallucinations l'avaient lentement saisi.
Il ne pouvait pas rester ici. S'il demeurait dans cette ville plus longtemps, auprès de ses parents... il ne survivrait pas. Wesley le savait. Et, courageusement, il avait quitté sa maison, sa famille, pour tout recommencer à ailleurs. Sans diplôme, avec très peu d'argent, âgé d'à peine dix-huit ans, Wesley avait débarqué à Boston, espérant pouvoir trouver sa place, pouvoir rencontrer des personnes qui sauraient le comprendre. Des gens comme
lui.
Wesley avait écumé les jobs de nuit, allant de bars en bars, de supermarchés en supermarchés. Il ne parvenait jamais à rester bien longtemps, manquant d'un sens développé de la communication, mais il gagnait toujours de quoi se payer un toit. C'était tout ce qu'il demandait.
A Boston, la vie était bien plus active que dans sa petite ville. Wesley avait toujours quelque chose à faire, à voir, quelqu'un à qui parler. L'ennui s'était fait moins présent. Mais il avait été remplacé par une autre sensation, tout autant difficile à supporter : celle de ne jamais pouvoir "arrêter". Wesley pensait, cogitait, en permanence, sans parvenir à s'égarer dans des rêves ou dans un sommeil réparateur.
Il pensait, pensait et sa cervelle se faisait de plus en plus cruelle, lui imposant des images terribles, des idées intrusives tout autant qu'atroces. Les hallucinations s'imposaient à lui et l'étouffaient, tel un serpent s'enroulant lentement autour de son cou.
Il avait trouvé une forme de refuge dans la drogue, qui embrumait ses sens et son esprit. C'était dans ce milieu qu'il avait rencontré sa première petite amie, sa dealeuse. Elle était tordue, un peu comme lui. Il pensait qu'elle pouvait le comprendre, d'une certaine manière. L'accepter.
Mais ce n'était pas le cas. La jeune femme avait remarqué son manège, ses yeux grands ouverts dans la nuit, jamais fermés. Et lorsqu'elle lui avait demandé s'il était un de ces "freaks" mutants, Wesley avait su que tout était fini. Parce qu'elle ne l'acceptait pas. Comme sa famille. Comme les habitants de sa petite ville natale.
Seul, désemparé, il s'était perdu dans sa consommation, descendant une pente dangereuse jusqu'à être arrêté pour possession. Quelques mois en prison, les pires mois de son existence. L'ennui était revenu en pleine force, le frappant aussi vigoureusement que le manque. A sa sortie, Wes avait suivi une cure de désintoxication, reprenant ses joints dès sa sortie. Le soulagement qu'ils lui procuraient était trop séduisant...
Il avait cru voir une porte de sortie quand, après les avoir recensés comme du bétail, le gouvernement avait annoncé un vaccin pour les transmutants. Enfin, il pourrait retrouver une existence normale. Enfin, il pourrait
dormir. Wesley n'avait pas hésité à se présenter pour être injecté, impatient d'être enfin en mesure de mener une vie ordinaire.
C'était avant qu'on lui déroule les effets secondaires. Insomnies. Hallucinations. Et autant de joyeusetés qu'il expérimentait déjà, depuis toutes ces années... A quoi bon ? A quoi bon être vacciné pour subir la même torture et pire encore ? Rien n'avait changé. Rien n'allait changer !
Wesley était furieux, contre lui-même, contre les autres transmutants dont les pouvoirs ne les détruisaient pas de la sorte, contre les humains, contre le gouvernement. Il avait claqué la porte et s'était perdu dans une bagarre contre le premier ivrogne qu'il avait trouvé. Tout pour évacuer cette rage qui l'empoisonnait. Tout pour oublier cette once d'espoir qu'il avait ressenti.
Aujourd'hui ? Aujourd'hui, Wesley travaille au supermarché du Centre Commercial de Roslindale depuis plusieurs mois déjà. Il a un appartement. Une plante qu'il s'efforce d'arroser de temps à autre. Il fume, toujours. Mais la rage est passée. Demeure une profonde lassitude. L'acceptation désespérée de ce temps long, infini, de cette agonie dans laquelle il est certain de s'égarer durant toute sa vie... A moins qu'un autre chemin ne lui soit proposé...